Le Graoully, une créature qui passionne bon nombre de Messins et autres fanas de dragons, a enfin son roman où il figure en couverture.
Nous avons l’honneur aujourd’hui d’interviewer l’auteur du roman « La résurrection du Graoully » en exclusivité.
Intervenants
Philippe Mind (l'intervieweur)
Camille Autain (l'interviewé)
Bonjour, vous êtes Camille Autain, un auteur que j’ai eu la chance de découvrir et même de rencontrer sur un salon du livre. Pouvez-vous nous en dire plus sur vous s’il vous plaît ?
Bonjour, et merci de m'accorder cette interview, ça me donne l'impression d'être quelqu'un d'important !
Pour commencer, je suis né en 1980 à Paris, et j'ai déménagé au collège en Normandie. Rien de très Lorrain pour débuter : c'est ma femme, messine, qui m'a fait découvrir sa belle région des années plus tard. J'ai fait des études d'Histoire à la Sorbonne jusqu'en maîtrise, avec une spécialisation sur 1793. Rien de très Graoullesque, là non-plus. J'habite aujourd'hui en banlieue parisienne, à Saint-Maur.
Comme j'étais très cinéphile et que je voulais raconter des histoires, j'ai sauté le pas après ma maîtrise, et je suis allé voir des maisons de productions pour travailler sur des tournages. Je voulais devenir réalisateur, car je pensais - à tort - qu'ils étaient les seuls auteurs de leurs films. J'ai donc travaillé quelques années sur des plateaux. D'abord en régie, puis à la lumière, en tant qu'électricien.
Comme je voyais que je ne me spécialisais pas forcément dans des métiers qui m'avaient attirés au départ - et même si j'ai aimé ces métiers - j'ai décidé d'arrêter, et de me consacrer à l'écriture. Entretemps, j'avais appris que les premiers auteurs des films qu'on voit sont les scénaristes. (J'ai aussi appris qu'il n'y a seulement qu'en France qu'on les ignore complètement - mais bon... fin de la parenthèse polémique).
Après une formation technique de quelques semaines (car il faut un peu de technique pour construire un récit), je me suis donc consacré à l'écriture. J'écris maintenant principalement des projets de série télé, dont certains m'ont valu des bourses du CNC. Pour élargir mon réseau, je me suis inscrit à une grosse association, Séquences7, qui rassemble les scénaristes émergents - et dont je suis maintenant le trésorier.
« j'ai parcouru les rues de la vieille ville en rêvassant à ce dragon. »
Votre sujet « Graoullesque » de livre vous a été inspiré après avoir découvert Metz ou connaissiez-vous déjà la légende avant ?
La légende m'a été racontée par ma femme. Quand elle était petite, son père lui faisait un peu peur avec cette créature qui hantait les rues, quand la nuit était tombée. Rien de mieux qu'un dragon parcourant la ville pour envoyer une fillette au fond de sa couette...
J'aimais cette idée de croque-mitaine, et je me suis intéressé à sa légende, donc je suis parti à la recherche de ses traces. Je dois avouer que j'ai un peu été déçu par l'effigie de la cathédrale... Mais j'ai parcouru les rues de la vieille ville en rêvassant à ce dragon. Ses arènes romaines ont été recouvertes par la gare ferroviaire, mais on le trouve encore gravé sur un immeuble de la rue de Chèvremont, près de la cathédrale.
Plus généralement, j'aime toutes les légendes folkloriques (enfant, je dévorais les Contes et Légendes des régions françaises, chez Fernand Nathan), et celle du Graoully a servi de déclencheur pour mon premier projet scénaristique.
Selon mon point de vue, les dragons sont la représentation du paganisme en France, comme je le disais dans mon analyse des dragons (voir ici) et plus précisément du Graoully : Tuer le dragon, c’est tuer le mal ! D’ailleurs dans votre ouvrage deux thèmes reviennent : c’est la manipulation par les forces militaires et l’ordre religieux. Pensez-vous que cela est possible dans la réalité ?
Le motif de la guerre secrète, ou les éléments narratifs du genre "théorie du complot" sont pour moi un simple ingrédient dramaturgique - c'est quelque chose qui apporte du suspens (et qu'il faut manier avec précaution - au risque d'avoir des "deus ex machina").
Si j'ai choisi d'inventer un "réseau Oméga" qui cherche à provoquer sur terre une apocalypse en relâchant les créatures légendaires dont seuls les folklores se souviennent, c'est pour justifier la résurrection des créatures - en l'occurrence ici, le Graoully. Ça me permet aussi d'envisager une suite au récit, un combat plus global dans lequel mes personnages seraient engagés sur d'autres romans.
Ça ne signifie pas que je ne crois pas de puissants lobbies industriels, voire des États, capables d'influencer, pour ne pas dire plus, les opinions publiques. Mais il me paraît plus simple d'agir sur l'opinion à coup de buzz, de publicité, et de sondages qu'en levant une armée secrète. Mais c'est moins dramatique, et mon roman se situe davantage dans une veine fantastique.
Vous dites que vous avez des projets de séries télévisées. Je suis moi-même bien placé en connaissance de causes pour savoir que le domaine qui me passionne, la cryptozoologie (voir définition) sur lequel je travaille, est trop souvent ignoré par le télévisuel. Connaissez-vous ou avez-vous vous-même connu des difficultés pour produire ou d'éditer ce genre de scénarios fantastiques en France ?
C'est vrai qu'il est très difficile d'éditer ou de produire du fantastique dans notre pays. Alors que le genre y a connu ses grandes heures au dix-neuvième siècle (de Potocki à Maupassant, en passant par Nerval ou Balzac, voire Baudelaire)...
Les gens ont peur qu'on les prenne en flagrant-délit de rêver, s'ils lisent un livre fantastique aujourd'hui ! Souvent ils s'excusent presque si on les prend avec un Stephen King dans la poche - ils trouvent toujours un moyen de dire qu'ils ne le lisent pas vraiment. Vous n'en avez jamais rencontré des gens comme ça ? Moi plein. Comme si c'était infantile, pas sérieux...
Et pourtant, de nos jours, si on regarde le top des ventes dans l'édition, on trouvera justement ce même Stephen King - catalogué année après année, et parfois improprement, dans les rayons fantastiques des librairies. Dans les séries TV à succès, on croisera Tru Blood, ou The Walking dead. Et pour la cryptozoologie, tout le monde connaît le classique des classiques King Kong - qui a fait l’objet de remakes réguliers. Quant à Tintin au Tibet, c'est un des meilleurs albums à mon avis.
Comme quoi si l'histoire est bonne, peu importe le genre, non ? Pourtant je n'ai pas l'impression que ce soit le raisonnement des décideurs.
Généralement, on associe le fantastique à un public restreint de types un peu bizarres, un peu geeks, peu fréquentables. Et pourtant tout le monde a cette fibre un peu enfantine qui vibre immédiatement dès qu'on démarre une idée d'histoire avec : "Et si ?". Quand j'ai présenté mon Graoully à des producteurs TV (c'était un scénario de série avant d'être un roman), ils ont adoré le concept : des créatures légendaires reviennent à notre époque ! Pensez donc aux histoires qu'on peut faire avec ça ! Et malgré tout, personne n'a pris le risque de signer la série. Il n'y a finalement que mon éditrice qui a accepté de prendre le risque - et si elle lit ces lignes, je la remercie au passage !
« J'ai achevé d'écrire le roman… »
Une suite est donc prévue ? Peut-on connaître quelques éléments sur le futur livre ? Une date de sortie est-elle déjà annoncée ?
Eh bien oui, j'ai prévu une suite, en ressuscitant d'autres créatures du patrimoine lorrain. J'ai achevé d'écrire le roman qui racontera quelle créature néfaste se cache derrière la fameuse ondine de la Nied, une sorte de sirène qui hante cette rivière du plateau boulageois. C'est encore une créature aux multiples facettes, qui n'est pas sans rappeler la Lorelei rhénane ou autres vouivres, dont le folklore est riche.
Il est encore un peu tôt pour évoquer une date de sortie - puisque le manuscrit n'est pas encore parvenu entre les mains de mon éditrice - mais j'espère qu'il puisse sortir au printemps 2015.
Et pour après l'ondine, je n'ai pas encore vu jusque-là. Je suis toujours prêt à découvrir de nouvelles légendes et de nouvelles créatures pour mes récits futurs !
Après avoir lu votre roman des questions restent en suspend pour moi. Vous-même, croyez-vous qu’un monstre comme le Graoully peut ou a pu exister ? Comme vous avez lu mon analyse du monstre messin, vers quelle explication avez-vous tendance à vous tourner : Religieuse, Paléontologique, Chimérique, Cryptozoologique, Zoologique, ou d’origine Extraterrestre ?
D'abord, j'apprécie la rigueur intellectuelle de votre article, qui propose un tour d'horizon très complet des théories autant sérieuses que farfelues (je ne citerai personne pour ne pas vexer les éventuels créationnistes qui nous liraient). Pour ma part, je suis avant tout un grand rêveur, et j'adore les théories comme celles des Anciens Astronautes (quand j'étais enfant, j'ai dévoré les albums de Thorgal...). Mais pour moi, tout cela reste du domaine de la fiction et du rêve.
La théorie de mon roman, est que des mondes parallèles coexistent - et que les créatures fantasmagoriques s'échappent parfois d'autres dimensions, grâce aux passeurs et passeuses que sont les sorciers et les sorcières. C'est plus de la "science-fiction"...
Je reste avant tout très positiviste, et j'aime à rappeler que le monde antique est tout sauf figé. On a l'impression, vu depuis notre époque moderne, que les anciens ne connaissaient pas le monde plus loin que le bout de leur clocher. Mais c'est une idée fausse ! Le monde antique voyage, parcourt les continents (on retrouve des monnaies romaines en Chine), et du coup, partage les connaissances. Rien d'étonnant à ce que tel animal effrayant comme le crocodile égyptien ou tel fossile chinois, ne soit connu des occidentaux - rajoutons à cela l'exagération des colporteurs, et la rumeur enfle, l'imaginaire gonfle les proportions de l'animal.
Divodurum - ancien nom de Metz - est une colonie romaine. Les légionnaires se relaient, et la ville est au croisement de deux importantes routes commerciales : est/ouest et nord/sud. On peut imaginer comme les histoires des voyageurs du temps sont restées gravées dans les imaginaires... pour être très certainement réutilisées dans une optique de propagande par les premiers évangélisateurs chrétiens. Ça c'est un point très important que vous soulevez, et qui mériterait une étude à part entière !
Je crois que, fondamentalement, les peuples comme les individus ont besoin de rêver (pour les individus, c'est même un besoin physiologique). L'imaginaire collectif est fondamental, c'est ce qui fonde notre humanité, que de croire dans des choses extraordinaires. Combattons la tristesse quotidienne ! Réenchantons le réel !
Merci de m’avoir accordé cette entrevue et je vous souhaite bonne chance pour vos futurs projets.
C'était un plaisir, et c'est moi qui vous remercie !
Je suivrai avec plaisir vos futurs travaux, soyez-en sûr, c'est un domaine qui me passionne (et j'espère bien y trouver de quoi alimenter de nouvelles histoires) !
Philippe Mind
Vous pouvez vous procurer ce livre à la FNAC, ou aux Editions du Quotidien. Le livre est également disponibles dans certaines librairies Mosellanes.
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