Intervenants
P. M. : Philippe Mind
I. B. : Inès Bouhdid
C. D. : Céline Degrave
Interview
P. M. : Bonjour, tout d’abord je tiens à vous remercier de m’accorder quelques instants et de répondre à certaines de mes questions. Vous faîtes partie du Comptoir Général, pouvez-vous nous parler brièvement de cette organisation s’il vous plaît ?
I. B. : Cela fait bientôt 4 ans qu’il se cache, au bord du canal Saint Martin, au fond d’une allée obscure. Cela n’a pas empêché le public de répondre présent : 5000 visiteurs par semaine, été comme hiver. Aujourd’hui, le Comptoir Général a probablement gagné son pari de devenir une institution incontournable de la vie culturelle parisienne.
Le bâtiment du 80 quai de Jemmapes n’est que la vitrine d’un projet bien plus vaste : un Musée dédié à la culture ghetto, à l’exploration hors-piste, aux causes perdues, et d’une manière générale à tous les phénomènes mal connus, mal identifiés et mal aimés, toutes les cultures marginales et les énergies artistiques qui agissent dans l’ombre et le dénuement.
D’ici quelques mois, le Comptoir Général va évoluer en une plateforme de lancement commercial pour les projets qu’il incube, en proposant de nombreuses boutiques en son sein et un nouveau site e-commerce.
P. M. : Quel est le but du Comptoir Général ? Est-ce un but humanitaire ?
I. B. : La mission que s’est donné Le Comptoir Général est excitante : revisiter les notions de commerce équitable et de solidarité internationale, en y infusant une forte valeur ajoutée de créativité et de business. Réveiller et susciter l’engagement de tout un chacun à travers des projets magiques, beaux et poétiques. Eduquer en divertissant et en consommant.
Le modèle économique du Comptoir Général est atypique : les activités commerciales du bar et de la restauration permettent de financer des projets entrepreneuriaux, visant à fabriquer ou à sourcer des produits et des services résolument originaux. L’intégration de la production et les circuits courts d’approvisionnement garantissent des conditions d’achat optimales pour les producteurs. Ces derniers bénéficient ainsi des fruits de leur talent, souvent issu d’une fracture sociétale ; et ne dépendent plus (ou moins) de subventions ou d’une aide étatique souvent insuffisante.
Le public du Comptoir lui, devient acteur d’un écosystème vertueux, en consommant les biens et services vendus et en contribuant à l’entrée. Cette donation d’un montant libre alimente en effet un Fonds de dotation qui renforce le soutien aux acteurs de terrain.
P. M. : Combien de personnes font partie de cette organisation ?
I. B. : Le Comptoir Général regroupant un ensemble d’activités allant de l’exploitation commerciale (restauration, privatisation et bar) au développement de projets tel que l’agence de voyage « A la recherche du Mokelé », compte aujourd’hui environ 80 employés.
P. M. : Le Comptoir Général soutien entre autre la recherche d’un cryptide qui s’appelle le Mokélé-Mbembé. Il s’agirait en fait d’un dinosaure rescapé d’un autre temps qui vivrait dans le bassin du Congo (Cameroun, République du Congo, République Démocratique du Congo, Guinée Equatoriale, Gabon, République Centrafricaine). L’hypothèse du dinosaure n’est pas acceptée de tous, et cela demande donc des réponses. Vous avez donc fait appel à Michel Ballot (voir ma précédente interview), qui vous aide dans cette mission, c’est bien cela ? Quel est votre rôle dans cette association entre lui et vous ?
I. B. : A vrai dire, il est d’avantage question d’une « rencontre » entre Michel Ballot, chercheur et explorateur, spécialiste du Mokelé-Mbembé depuis plus de dix ans et Le comptoir général. Le projet de Michel a en effet trouvé au Comptoir une résonnance aigue dans sa foi en l’incroyable.
A LA RECHERCHE DU MOKÉLÉ-MBEMBÉ est une aventure participative débutée en 2012 qui a d’abord donné lieu au financement d’une expédition pour les recherches de Michel grâce au lancement de crowdfunding s’élevant à 30 000€ (récoltés en grande majorité grâce aux visiteurs du musée du Comptoir général ainsi que des dons en ligne en provenance de plusieurs pays). L’expédition financée a permis de récolter de nouveaux témoignages et de placer une quinzaine de caméras pièges.
Cette aventure se poursuit en septembre 2013 avec l’ouverture d’une nouvelle attraction dédiée à cette aventure au sein du musée Comptoir général et la sortie du livre « A la recherche du Mokélé Mbembé » en Mai 2014. La création à la rentrée d’une agence de voyage « A la recherche du Mokelé Mbembé » proposera dès novembre au tout un chacun de suivre Michel dans ces prochaines expéditions.
P. M. : Vous avez participé début juillet à une expédition au Cameroun, ceci a-t-il changé votre façon de voir les choses quant à l’existence du Mokelé-Mbembe ? Y croyez vous plus ou au contraire n’y croyez-vous plus ?
I. B. : A la recherche du Mokelé Mbembé est une réelle expédition qui retrace au plus près toutes les étapes du travail (colossal) effectué par Michel depuis des années. C’est également une véritable plongée dans la culture et les légendes locales gravitant autour du Mokelé.
C’est d’abord via la vision de Michel, ses récits puis par la lecture de son livre que mon intérêt a commencé à croître, passant ainsi de l’idée d’une légende à celle d’une hypothèse.
Le voyage fut un moyen de confirmer le « doute » qui s’était installé après la lecture du livre. Lorsque vous entrez sur ces territoires encore vierges du pas de l’homme, où vous ne pouvez voir un éléphant de forêt à plus de 10 mètres de vous, caché par la brousse et les arbres, où les habitants vous parlent avant tout avec un regard profond et effrayé de ce Mokelé ; c’est à ce moment-là que vous prenez réellement conscience que des espèces animales ont pu ne pas encore être encore découvertes aujourd’hui.
C. D. : Tout comme Inès, je nourrissais une certaine curiosité concernant cet animal après mes rencontres et échanges avec Michel. L’ouvrage rédigé par Michel pose un cadre très rationnel, presque scientifique et avance des hypothèses plus que plausibles sur la nature du Mokélé, et les « indices » de son existence aujourd’hui.
Le voyage a pour ma part absolument renforcé cette inclinaison : les rencontres avec des scientifiques locaux, l’élaboration des protocoles d’observation, l’immensité de cette forêt où des troupeaux entiers de primates et d’éléphants se cachent sans avoir jamais été « vus », la conviction des populations locales… Il est pour moi évident que des espèces encore inconnues se terrent dans cette forêt, et pourquoi pas le Mokélé…
P. M. : Cette année est sorti le livre de Michel Ballot, au sujet du Mokele-Mbembe (voir ici). J’ai personnellement beaucoup apprécié sa lecture, dedans on retrouve la sincérité et l’envie de trouver des réponses d’un aventurier d’un autre temps. Ce livre est-il destiné à être traduit dans d’autres langues dans le futur ?
I. B. : Le livre sera traduit en anglais et devrait paraître avant la fin de l’année 2014.
P. M. : Y-a-t-il de futurs projets pour le Comptoir Général ?
I. B. : Le Comptoir Général incube aujourd’hui une dizaine de projets, et travaille au sourcing de produits du monde entier, achetés directement aux producteurs locaux. L’idée est donc de nous servir du succès du Comptoir pour donner à ces projets une chance de réussite sur le plan commercial (commercialisation des biens et services sur place et sur le web), mais également une meilleure lisibilité de leur histoire, de leur fracture, de leur talent. Ce sont au final les producteurs et les consommateurs qui ressortiront de notre établissement plus « riches », tout simplement.
Voir aussi
L'hypothèse du Mokélé-Mbembé
Entretien avec Michel Ballot
A la recherche du Mokélé-Mbembé (Le livre)
Si vous souhaitez venir discuter de ce sujet ou d'un autre, rendez-vous ici sur le forum officiel du site.